La réussite des transplantations allogéniques d’organe réside en partie dans la limitation du mécanisme de rejet par le système immunitaire du receveur. Des médicaments immunosuppresseurs sont utilisés pour limiter la réaction de rejet. Cependant, ils affectent des mécanismes communs à bon nombre de fonctions physiologiques ce qui conduit à des effets secondaires indésirables qui conditionnent la réussite de la greffe

La réussite d’une greffe d’organe repose sur deux paramètres majeurs : les techniques chirurgicales et la compatibilité des marqueurs qui caractérisent chaque individu (le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH)). Excepté pour le foie ou le pancréas pour lesquels les techniques chirurgicales peuvent être limitantes à cause de la complexité vasculaire de ces organes, l’obstacle majeur à la transplantation d’organe est notre propre système immunitaire. Tout comme pour une infection, le système immunitaire reconnaît l’organe greffé comme un corps étranger et va tenter de l’éliminer. Pour limiter le rejet, le système d’histocompatibilité du donneur soit être le plus proche possible de celui du receveur. Lorsque c’est possible, les membres d’une même famille, idéalement, les frères ou les soeurs sont les meilleurs donneurs, mais ce cas de figure n’est pas si fréquent. Pour augmenter les chances de greffe, le système immunitaire est alors  » endormi  » par la prise de médicaments (immunosuppresseurs) pour faire accepter progressivement l’organe étranger comme une partie de soi. Seulement, les effets secondaires peuvent être important à cause de l’absence de spécificité des médicaments utilisés et de la durée des traitements. Les médicaments ciblent des protéines qui sont impliquées dans de nombreuses voies physiologiques conduisant à des effets secondaires qui peuvent affecter les fonctions rénales, nerveuses, pancréatiques ou circulatoires.

Afin d’améliorer la tolérance des traitements et l’efficacité des greffes, des chercheurs américains ont criblé une banque de composés chimiques avec l’idée de trouver un inhibiteur efficace d’une protéine, JAK-3, dont la fonction est centrale à la biologie des lymphocytes (cellules responsables de la réponse immunitaire) et limitée à ce compartiment cellulaire. Ils ont identifié un composé, au nom de CP690,550 qui inhibe à très faible dose JAK-3. La spécificité de ce composé a été testée au travers d’une trentaine d’autres protéines ayant des fonctions physiologiques centrales et seules les protéines de la même famille sont inhibées efficacement (JAK-1, 2 et 3).

Pour valider les données obtenues in vitro, les chercheurs ont administré sous forme orale ce composé à des souris ayant subit une transplantation cardiaque. Alors que le rejet intervient 12 jours après la transplantation dans les souris non traitées, l’administration du CP690,550 pendant 28 jours a pu permettre de maintenir les souris vivantes pendant 60 jours. Une analyse plus poussée a montré que le composé inhibait l’expression de plusieurs gènes codant pour des cytokines connues pour être impliquées dans la stimulation de la réponse immunitaire. Des résultats similaires ont été obtenus chez des singes pour lesquels le coeur transplanté a été rejeté après 6 jours en absence de traitement et gardé de 60 à 90 jours (la limite de la durée de l’expérience) suivant les doses de CP690,550 utilisées.

Les effets secondaires semblent minimes. Bien que JAK-3 ait été impliquée dans la maturation des lymphocytes, les auteurs n’ont pas relevé d’anomalies majeures du système immunitaire, si ce n’est une légère baisse de la quantité de lymphocytes qui pourrait être simplement dû à l’immunosuppression. Ils ont cependant noté une légère anémie pour les animaux traitées avec de forte dose. Aucune anomalie métabolique souvent rencontrée avec d’autres traitements immunosuppresseurs n’a été rapportée. Des études sur les effets secondaires à plus long terme sont en cours, mais les résultats laissent envisager que la prise orale de ce composé provoque une immunosuppression suffisante pour limiter le rejet des greffes tout en limitant les effets secondaires. L’application à l’homme pourrait améliorer le pourcentage de réussite des greffes ainsi que le confort des greffés.

Par le Dr Stéphane Ory – Futura-Sciences USA – Le 7 novembre 2003 à 09h52
http://www.futura-sciences.com/fr/des-greffes-dorganes-plus-efficaces_2701/