Créer un embryon mi-homme mi-animal, amorcer l’aube d’une chimère: ce sera très bientôt possible de l’autre côté de la Manche. La HFEA, (Human fertilisation and embryology authority) -l’agence britannique chargée d’encadrer l’utilisation scientifique et médicale d’embryons humains- a donné cette semaine son ultime feu vert à cet acte. Le gouvernement britannique, qui se prépare à inscrire cette possibilité dans la loi, sera donc le premier pays au monde à autoriser formellement cette manipulation qui a toutefois déjà été tentée dans le monde.

Des prémices d’embryons hybrides ont déjà été obtenus dans des laboratoires de recherche travaillant sur fonds privés, la société américaine Advanced cell technology en tête.

Concrètement, l’opération consiste à produire un embryon par la technique de clonage, ce qui suppose d’introduire le noyau d’une cellule humaine dans un ovocyte vidé de son ADN. Toutefois, dans le cas de la chimère, l’ovocyte est fourni non par une femme mais par une vache, une brebis… Résultat, si la manipulation réussit: un embryon qui possède des cellules contenant des gènes humains dans leur noyau – ce sont les plus importants fonctionnellement – et des gènes animaux dans leur cytoplasme, héritage direct de l’ovocyte animal. L’an dernier, deux laboratoires de recherche britanniques de renommée internationale, avaient demandé à l’HFEA l’autorisation de mener des recherches sur des embryons ainsi créés, suscitant une vive polémique. Leur projet: non pas de produire des hommes-singes, mais de travailler sur les cellules souches que fourniraient des embryons issus de clonage, cellules qui pourraient permettre de traiter des dégénérations cellulaires.

Le clonage d’embryon est déjà autorisé en Grande-Bretagne. Pourquoi alors repousser encore les frontières et demander à créer des embryons chimères par clonage? Les chercheurs ont fait valoir un argument… éthique, de poids: la technique de clonage a un très mauvais rendement chez l’homme. Pour obtenir un embryon, il faut utiliser des centaines d’ovocytes, ce qui revient à demander à des dizaines de femmes de se soumettre à un traitement hormonal lourd pour alimenter la recherche en cette précieuse matière première. L’argument, après avoir suscité une longue polémique au sein même du gouvernement britannique, a semble-t-il, convaincu les citoyens de sa Majesté. Consultés, ils se sont dits à 61% favorables à la création d’embryon-chimères à des fins scientifiques, étant entendu que ceux-ci doivent être détruits au terme de quatorze jours de développement en laboratoire.

Pour l’opinion publique britannique, le pas franchi n’est finalement pas si grand. Le pays où est né le premier bébé FIV, -alors si scandaleux, et également la sulfureuse Dolly-, a autorisé de longue date la recherche sur des embryons fécondés in vitro et non utilisés (interdite en France, sauf dérogation), puis la création d’embryons humains pour la recherche, puis, plus récemment, la création d’embryon humains par clonage – toutes choses proscrites dans l’Hexagone…

Londres entend ainsi rester en tête des pays les plus avancés dans la recherche sur les cellules souches embryonnaires, dites si prometteuses.

Par Corinne Bensimon
jeudi 6 septembre 2007